vidéo HD, couleur, son, 22' 21", loop
édition limitée 1/5
n° inv. 03346
 
acquisition 2019

Née en 1984 à Paris, Lauren Huret travaille à Genève. Après l'obtention d'un master aux Beaux-Arts de Bordeaux, elle complète sa formation par un second master à la HEAD, à Genève, en 2013. L'artiste a été récompensée par le Pax Art Award en 2018 et a été sélectionnée pour de nombreux prix, comme les Swiss Art Awards, dont elle est lauréate en 2023 avec Maria Guta (artiste avec laquelle elle collabore régulièrement depuis 2021). Elle a également obtenu plusieurs bourses. En 2019, elle a été artiste résidente à New York grâce à une subvention accordée par le canton de Genève, l'année précédente à Marseille à Post-Disaster Residencies, et en 2017 à la Kunsthalle Roveredo, aux Grisons.

Lauren Huret s'intéresse tout particulièrement à l'histoire de l'informatique, à l'imagerie de masse et à sa diffusion sur le web, ainsi qu'à l'imaginaire technologique, autant de domaines ayant un impact de plus en plus vaste sur l'existence humaine. Breaking the Internet – vidéo issue d'une lecture performée – est une relecture fantasmée de l'histoire de l'avènement de la machine, depuis les premiers métiers à tisser Jacquard jusqu'à l'internet, dont la possible paralysie semble échoir aux fesses rebondies de Kim Kardashian. L'artiste y tisse des liens entre les cartes perforées – premiers conteneurs analogiques d'information lue et appliquée par une machine –, les centrales téléphoniques et leurs pieuvres de câbles centipèdes et les révoltes des canuts et des luddites dans un XIXe siècle secoué par la misère et l'industrialisation. Elle raconte ainsi une histoire à niveaux de lecture multiples. Construite à la manière d'un court-métrage documentaire expérimental légèrement désuet, les images de cette œuvre vidéo se superposent les unes aux autres : mises en abyme de gravures ou d'extraits de films d'époque, de prises de vues de machines au travail et d'images de la destruction méthodique d'un téléphone portable. Modèle alors actuel de l'IPhone (2015), ce dernier est soumis aux flammes, aux bains chimiques, au marteau, à la point d'un couteau, autant de gestes individuels en guise de révolte intime, mais mimétique, contre la domination de la machine et du réseau. Le texte accompagnant les images est récité par l'artifice d'une voix de synthèse, dont la diction parfois hésitante nous fait douter : peut-on faire confiance aux propos énoncés ? Comment s'y identifier, comment en déterminer l'origine ? Et – a fortiori – dans un futur qui arrive plus vite que nos ombres, l'hésitation elle-même aura-t-elle encore une place et le doute une chance d'advenir ? Lauren Huret questionne aussi la condition féminine dans cette pièce: elle énumère les rôles attribués au cours des révolutions technologiques aux corps et aux voix des femmes, tout en pointant le flair indéniable de celle (encore une fois "la" Kardashian) qui aura tiré efficacement parti de son omniprésence dématérialisée sur le web et qui semble, elle, connaître toutes les réponses aux questions précédentes. (PK-2025)